« Les filles qui ont des rêves deviennent des femmes qui ont une vision. »
Les femmes sont de plus en plus nombreuses à s'inscrire dans les facultés dentaires ce qui engendre une diversification des données démographiques en termes de genre.
Néanmoins, le pourcentage de femmes leaders d'opinion reste inférieur à celui de leurs pairs masculins. La professeure Ashvini Padhye a répondu à nos questions sur son parcours et sur la manière dont elle voit l’avenir des femmes dans la dentisterie régénérative.
Professeure Padhye, comment avez-vous décidé de devenir parodontiste ?
Pr Padhye : Enfant, je voulais devenir médecin. Mais par la suite, j’ai appris que je ne pouvais pas étudier la médecine dans ma ville et je ne voulais pas aller à l’internat. J’ai alors choisi la dentisterie et ne l’ai pas regretté une minute. Mes deux parents étaient chirugiens-dentistes et j’ai toujours voulu faire des études supé-rieures dans une discipline chirurgicale. J’adore la chirurgie. À cette époque, en Inde, la chirurgie plus avancée n’était dis-ponible qu’au niveau post-universitaire. J’ai donc choisi la parodontie, j’ai conti-nué à en apprendre davantage, et il n’y a pas eu de retour en arrière.
Être une femme a-t-il été un obstacle ?
Pas vraiment. Je pense que mon parcours a été très facile. Mes mentors ont été d’un grand soutien. Même si j’ai eu des collègues masculins et féminins, j’ai toujours été encouragée à me mettre en avant ou à présenter des choses, lors de conférences par exemple.
Mais c'est aussi parce que ma famille m'a beaucoup soutenu tout au long de mon parcours. Dans un pays comme l’Inde, il faut beaucoup de soutien pour pouvoir suivre la voie que j’ai empruntée. Mes parents, puis mon mari et mes enfants, voulaient que je sois courageuse, que je me batte pour obtenir ce que je voulais et suivre mes rêves.
Nous observons aujourd'hui plus de femmes leaders d'opinion qu'avant dans le domaine de la dentisterie. Qu’est-ce que cela signifie pour les étudiantes et les jeunes dentistes ?
Lorsque des femmes leaders d’opinion interviennent lors de conférences, organisent des séminaires et sont très cultivées et spécialisées, cela envoie un message très positif. Je pense qu'il est extrêmement stimulant pour les les étudiantes de voir autant de femmes à la tête de différents départements à l’université. Dans notre établissement, sept respon-sables de département et la doyenne sont des femmes. Les étudiantes ont du respect pour elles et ont le sentiment qu’un jour, elles pourront aussi y arriver.
Pouvons-nous dire que l’écart entre le nombre de femmes diplômées et les femmes qui évoluent dans leur carrière diminue ?
Oui, heureusement, l'écart se réduit. Mais il est encore énorme. La route est encore longue pour réellement faire disparaître cet écart.
Beaucoup de femmes n'arrivent toujours pas à prioriser ou compartimenter ce qu’elles veulent faire sur les plans professionnel et personnel, et c’est là que nous avons tendance à être à la traîne. Les femmes assument beaucoup de responsabilités simplement parce qu’elles sont des femmes. Ne vous méprenez pas. Malgré la gestion de ma carrière, j’ai endossé plusieurs rôles et fonctions sur le plan personnel. J’ai été activement impliquée dans l’éducation de mes enfants qui sont à présent des adultes ac-complis, je suis une cuisinière passionnée, j'aime régaler mes invités et, en plus de tout cela, je trouve le temps de vivre pleinement mes passions. J’ai un certificat de plongée sous-marine, j’ai fait une formation en danse classique et j’adore dessiner et peindre. Il s’agit de trouver le bon équilibre. Je pense que beaucoup de femmes se sentent coupables de faire des choses, par exemple une formation professionnelle pour elles-mêmes si cela les éloigne de leur famille. Nous devons cesser de penser ainsi et arrêter de renoncer à nos rêves.
Cet écart est-il uniformément réparti entre les différents domaines de la dentisterie ?
Pas du tout. En Inde, les femmes sont plus nombreuses que les hommes à s'inscrire dans les facultés dentaires. Cependant, lorsqu'on regarde de plus près, les confé-renciers et les leaders d'opinion de premier plan sont en majorité des hommes. Les femmes ont tendance à rester dans leur zone de confort, par exemple dans les cabinets généralistes, au lieu d’aller de l’avant et de s'autoriser à aller vers là où elles veulent être.
Qu’est-ce qui peut briser ce plafond de verre ?
La clé est de relever les défis et d’apprendre à les gérer en trouvant le bon équilibre. Les femmes ont beaucoup à offrir : elles sont compétentes, empathiques, créatives et naturellement multitâches. Peut-être sommes-nous plus critiquées que nos homologues masculins, même par les patients. Ils peuvent demander, par exemple, lorsqu’ils apprennent que leur jeune dentiste femme doit procéder à une extraction de dent : « Docteur, serez-vous capable de gérer ? » Cela est courant pour une chirurgienne orale dans la vraie vie. Mais nous devons changer cela et exploiter notre potentiel. Une fois que cela sera fait, rien ne pourra alors nous arrêter.
Pour exploiter ce potentiel, les femmes doivent-elles travailler davantage ?
Généralement, les femmes travaillent dur par nature. Mais elles peuvent apprendre à canaliser leur façon de travailler. Elles doivent également apprendre à mettre en avant leurs compétences. Aujourd’hui encore il est possible que les hommes soient mieux entendus que les femmes lorsqu’ils s’expriment sur la même plateforme. Pour remédier à cela, les femmes doivent travailler assidûment sur leurs projets, rester concentrées pour y parvenir et se mettre en avant en public pour être vues et entendues.
Y a-t-il quelque chose que l’industrie puisse faire pour inspirer et attirer les femmes dentistes ?
Beaucoup de femmes sont moins confiantes lorsqu’il s’agit de dentisterie régénérative et avancée. Les cours et formations pratiques, notamment si les intervenantes et mentors sont des femmes, contribueront à changer cela. Il y a deux ans, à l'occasion de la Journée Internationale de la Femme, Geistlich India a lancé un très beau projet en créant des événements et sessions de formation réservés aux femmes Dans un environnement exclusivement féminin, les femmes qui auraient tendance à être discrète ailleurs, s’expriment, posent des questions, partagent des expériences et prennent confiance lorsqu’elles parlent sur d’autres plateformes.
Quelles sont les femmes leaders internationales qui vous inspirent le plus ?
Lorsque nous examinons les données sur la Covid-19 et la manière dont les pays ont géré la sécurité de leurs citoyens ainsi que la crise économique, nous constatons que les pays les plus performants sont ceux dirigés par des femmes tels que la Nouvelle-Zélande, l’Allemagne, l’Éthiopie, la Finlande, l’Islande et la Slovaquie. Elles ont été rapides, objectives, efficaces et, bien sûr, inspirantes. Christine Lagarde, présidente de la Banque centrale européenne, affirme que « le rôle des femmes dans notre économie n’est pas moins que révolutionnaire ». Nous avons besoin d’elles dans la population active pour construire un avenir meilleur. Faire partie d’une minorité peut être difficile, mais c’est également une opportunité. Je répète régulièrement aux filles : allez-y, saisissez votre chance et défiez les probabilités. Les filles qui ont des rêves deviennent des femmes qui ont une vision.